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Comment interpréter l’engouement écologique en Afrique, même si le continent génère une pollution relativement faible ?

Ingénieur civil et consultant en normalisation, Jean-Luc Detrez occupe des postes dans plusieurs comités internationaux et européens. Membre de l'IEC TC 111 et du CENELEC TC 111X, il contribue à la normalisation environnementale pour les produits et systèmes électriques et électroniques. Son engagement s'étend également aux comités ISO TC323, CEN TC 473, et CEN-CENELEC JTC10, respectivement dédiés à l'économie circulaire et à l'efficacité des matériaux. Il est également « Convenor » de divers groupes de travail dans lesquels il guide la création de normes dans des domaines clés. Parmi eux, le CENELEC TC 111X WG05 pour la conformité à la Directive RoHS, le CENELEC TC 100X WG02 pour les aspects environnementaux des produits IT, et le CEN-CENELEC JTC10 WG01, axé sur la terminologie dans le contexte de l'efficacité des matériaux.

by AfriVe

Avant de développer cette question, on peut d’abord se demander si ces hypothèses sont bien correctes : Y a-t-il vraiment un « engouement écologique » en Afrique ?  La pollution y est-elle réellement faible ?  Sans compter que l’Afrique est vaste : ce qui est vrai dans une région ne l’est pas nécessairement dans une autre.

Si l’on s’en tient à la quantité de déchets produite par habitant, il est clair que l’Afrique fait mieux que le reste du monde ; mais la réalité cachée derrière ces chiffres n’en est pas moins préoccupante : l’Afrique est aussi un continent à forte croissance démographique avec un niveau de vie et une espérance de vie en augmentation.  Globalement, et dans une perspective dynamique, ce type de pollution est loin d’être négligeable et ne peut qu’augmenter, si des procédures de collecte et de traitement systématiques ne sont pas mises en place.  De telles procédures existent dans certaines grandes villes, mais les étendre à tout le territoire de pays aux infrastructures absentes ou défaillantes reste un défi colossal…

A côté de cette pollution qui touche le monde entier – et, en ce moment, un peu moins l’Afrique – il existe une pollution spécifique aux pays qui pratiquent l’agriculture sur brûlis : brûler des déchets végétaux est une source importante de dioxyde de carbone, mais aussi de dioxines.  Et ceci  n’est rien à côté des pesticides interdits depuis longtemps en Europe, mais encore utilisés en Afrique.  N’oublions pas non plus les exploitations minières, sur lesquelles les autorités légitimes n’ont pas tout le contrôle nécessaire pour en assurer la sécurité.

Voilà pour quelques pollutions que nous pourrions qualifier d’endogènes.  Mais il en existe d’autres, que nous pourrions qualifier d’exogènes, car elles proviennent en réalité d’autres continents.  Bien que de nombreux pays aient interdit l’exportation de déchets, de telles interdictions sont contournées, volontairement ou involontairement, par le marché de l’occasion ou des « donations » de matériel en fin de vie.  Des vêtements, des véhicules et du matériel électronique ou informatique hors d’usage y deviennent rapidement, faute d’infrastructures de recyclage, sources de pollution.

Dire que la pollution est faible en Afrique me paraît donc une affirmation très risquée.

Revenons à l’autre aspect de la question, l’engouement écologique.  Parler d’engouement me paraît ici quelque peu exagéré.  J’appellerais plutôt cela une « prise de conscience », qui se manifeste à plusieurs niveaux :

D’abord chez les jeunes, naturellement plus sensibles à cette problématique, et qui sont à la base d’initiatives louables (recyclage, compostage, biométhanisation…), mais qui sont souvent limitées à l’échelon local et n’ont pas toujours le succès qu’elles méritent, par manque de moyens ; chez certains gouvernants « éclairés », qui n’hésitent pas à utiliser des mesures contraignantes, par exemple pour interdire le brûlis ou limiter voire éliminer l’usage de récipients jetables en plastique ; plus visible encore dans les milieux concernés, l’arrivée massive des comités nationaux africains dans les organismes de normalisation qui s’intéressent à l’économie circulaire. 

Si les deux premiers me paraissent porteurs d’espoir, je serais plus réservé quant au troisième niveau : dans certains cas, cette participation témoigne d’une véritable volonté nationale ; mais trop souvent, elle est dirigée par de grosses sociétés qui tentent d’imposer leur propre vision de l’écologie, dictée par leurs intérêts plutôt que par ceux des populations locales.

Ne nous laissons donc pas leurrer par des slogans : en Afrique comme ailleurs, lutter contre la pollution doit encore devenir une vraie priorité pour tous.

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