En Tunisie, le secteur de la collecte de déchets plastiques est largement dominé par une main-d’œuvre informelle, avec un nombre estimé d’environ 8 000 collecteurs, surnommés « berbechas ». Parmi eux, un pourcentage considérable est constitué de femmes qui rencontrent des défis considérables, tant sur le plan de la sécurité que de la santé, dans un environnement de travail non régulé.
Basma Lamliki, 53 ans et originaire d’Ariana, incarne le quotidien de ces collectrices. Chaque jour, elle arpente les rues avec une poussette de fortune, rassemblant des bouteilles en plastique et du pain rassis, tant dans les poubelles que chez les particuliers. Les bouteilles sont revendues dans des centres de recyclage, tandis que le pain est destiné aux agriculteurs pour nourrir leur bétail.
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« Je vais rendre visite à une femme qui me garde des bouteilles chaque semaine », explique Basma. « Je fais aussi les poubelles pour compléter mes trouvailles, surtout quand je ne trouve pas assez de bouteilles. »
Cela fait 30 ans que Basma exerce ce métier. Sa famille dépend entièrement de ses revenus, étant donné que sa mère et son frère sont malades. « Dans ma jeunesse, nous avions du mal à joindre les deux bouts. N’ayant pas trouvé d’emploi, j’ai commencé à collecter des bouteilles et du pain, conscient que je pouvais les revendre », raconte-t-elle.
La réalité de la collecte de plastique est dure. Basma compresse les bouteilles à la main, sans gants ni aucune protection. Une fois sa tournée terminée, elle se rend au dépôt pour vendre sa collecte. « Dépêche-toi, Karim, je dois partir. C’est six kilos aujourd’hui, donc j’ai gagné six dinars », précise-t-elle.
Avec environ deux euros pour toute une journée de travail, il est difficile de subvenir aux besoins de sa famille. Cette précarité a été mise en lumière par Maha Bergaoui, qui a réalisé une étude sur les femmes berbechas pour l’Union nationale de la femme tunisienne.
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« Une femme sur cinq dans ce secteur n’a pas de carnet de soins, ce qui l’empêche d’accéder aux soins médicaux gratuits. Beaucoup de femmes, même à la retraite, continuent de travailler », souligne-t-elle. Cette étude, menée en juillet 2024, a interrogé 116 femmes et constitue l’une des premières initiatives en Tunisie à exposer les conditions de travail difficiles dans ce secteur.
Le manque de protection sociale et de couverture santé est un problème majeur. La majorité des berbechas travaillent sans aucune forme de sécurité, les exposant à des risques sanitaires et à des instabilités économiques. Alors qu’elles jouent un rôle crucial dans la gestion des déchets, leur contribution reste largement ignorée dans un secteur qui les maintient dans la pauvreté. Ces femmes continuent de lutter chaque jour dans un système qui néglige leurs droits et leur bien-être, tout en appelant à des changements politiques pour améliorer leur situation.