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Prêts Verts : Une Illusion de Durabilité pour les Pollueurs

Bien que les prêts verts soient présentés comme un outil de financement durable, ils permettent souvent aux grands pollueurs de poursuivre leurs activités néfastes tout en prétendant s'engager pour l'environnement.

by Habib Tizi

Les prêts verts, ou prêts durables (SLL pour Sustainable Linked Loans), sont aujourd’hui promus comme des instruments essentiels pour les entreprises désireuses de démontrer leur responsabilité environnementale. Cependant, derrière cette façade se cache une réalité préoccupante : ces financements sont parfois utilisés par les plus grands pollueurs comme un alibi pour continuer leurs activités nuisibles, tout en donnant l’illusion d’un engagement envers le développement durable.

Entre 2018 et 2023, près de 1,5 trillion de dollars ont été attribués sous forme de prêts verts, selon des données de la London Stock Exchange. Contrairement aux prêts verts traditionnels, qui imposent des conditions strictes sur l’utilisation des fonds pour des projets écologiques, les prêts SLL se contentent de lier le financement à des objectifs environnementaux vagues. De nombreuses entreprises, dont les activités impactent fortement l’environnement telles que l’agriculture intensive, l’exploitation minière et les énergies fossiles en sont les bénéficiaires.

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Une enquête de janvier 2025 a révélé que plus de 286 milliards de dollars de prêts SLL étaient alloués à des entreprises à fort impact écologique. Des géants comme Enbridge, une société nord-américaine spécialisée dans les pipelines, ont réussi à obtenir des financements tout en continuant d’étendre leurs activités polluantes.

Cette situation contraste fortement avec les efforts déployés par certaines institutions publiques pour réorienter les fonds vers des projets plus durables. Depuis 2020, plus de 40 pays ont réduit de deux tiers leur financement public international des combustibles fossiles. Dans le cadre du Partenariat pour la Transition énergétique propre (CETP), plusieurs nations se sont engagées à transférer leurs investissements des énergies fossiles vers les énergies renouvelables. En 2023, le financement pour les énergies fossiles a chuté à 5,2 milliards de dollars, mais le financement privé demeure largement orienté vers des projets polluants.

Le manque de régulation permet aux banques de distribuer des prêts verts sans obligation de transparence sur les critères d’attribution. Les sanctions en cas de non-respect des engagements climatiques sont quasi inexistantes, et les financements pour les énergies renouvelables restent insuffisants. Malgré les engagements du CETP, l’augmentation des financements pour les énergies renouvelables n’a été que de 16 %, atteignant 21 milliards de dollars en 2023. L’Afrique, pourtant en besoin urgent d’infrastructures énergétiques renouvelables, ne reçoit toujours pas plus de 2 % des financements mondiaux.

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Face à ces dérives, des régulateurs commencent à réagir. En 2023, la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni a tiré la sonnette d’alarme sur la faiblesse des prêts SLL, dénonçant des « objectifs peu ambitieux ». Selon une étude de Moody’s, seulement 42 % des prêts verts ont un véritable impact environnemental. Des entreprises comme BP et Shell continuent d’utiliser ces prêts pour masquer leur inaction climatique, illustrant le besoin urgent de régulations strictes.

La nécessité d’une surveillance rigoureuse des prêts verts est désormais évidente. Le CETP montre que des transformations sont possibles, mais elles doivent s’étendre au secteur privé. Tant que des milliards de dollars continueront de couler vers des projets polluants sans contrôle, la finance verte restera une illusion. Il est impératif d’exiger des engagements concrets et vérifiables de la part des entreprises et des banques. La crise climatique n’attend pas, et la finance ne peut plus se permettre de « vendre du temps » au détriment de notre planète.

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