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Les petits producteurs et productrices agricoles, piliers de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté en Afrique

Bernard Mwinyel Hien est Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre au Fonds international de développement agricole (FIDA). Ingénieur en développement rural formé au Burkina Faso, il est également titulaire d’une maîtrise en gestion des ressources naturelles de la South Dakota State University (États-Unis). Avant de rejoindre le FIDA en 2011, il a travaillé pour le PNUD au Togo et au Burkina Faso, ainsi qu’à l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles. Son parcours s’articule autour du développement rural, de la gestion durable des ressources et du renforcement des partenariats en Afrique. [Ndlr]

par Bernard Hien

L’agriculture est essentielle au produit intérieur brut (PIB) de nombreux pays africains. Sur le continent, des millions de personnes dépendent de l’agriculture pour vivre. En effet, en Afrique, environ 33 millions de petits producteurs et productrices agricoles travaillent sur des surfaces de 2 ha ou moins et produisent près de 70% des denrées alimentaires en Afrique subsaharienne. Leur rôle est donc crucial pour la sécurité alimentaire du continent.

Cependant, le secteur agricole doit aussi relever de nombreux défis : il n’a pas suffisamment accès à des intrants de qualité ou à des solutions durables de financement, ni à la formation et aux technologies de pointe, et il subit les effets croissants des fluctuations climatiques. Dans ce contexte, le développement d’une agriculture plus productive, inclusive, résiliente et orientée vers les marchés s’avère crucial pour transformer ces défis en opportunités.

C’est dans ce but que le FIDA investit dans les économies rurales et les systèmes alimentaires. Nous travaillons à donner aux populations rurales les moyens de leur autonomie, en collaborant avec les États et avec de plus en plus de partenaires privés, au bénéfice des petits producteurs et productrices agricoles.

Parmi les programmes soutenus par le FIDA, de gauche à droite, le PEA-Jeunes (Cameroun), TCEP (Liberia) et SIRP (Zimbabwe)

Il est important de noter que c’est dans les zones rurales que la pauvreté atteint les niveaux les plus élevés, avec des populations qui sont souvent marginalisées et ont un accès limité aux ressources, aux services et aux opportunités économiques. Selon le rapport sur l’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde (FAO, IFAD, UNICEF, WFP and WHO. 2025), on estime qu’entre 638 millions et 720 millions de personnes ont souffert de la faim en 2024 dans le monde, dont près de la moitié en Afrique. Beaucoup de zones rurales manquent d’infrastructures de base (routes, eau, électricité), ce qui limite l’accès des petits producteurs et productrices aux marchés. Malgré cette situation, nous sommes certains que le développement rural est la clé pour réduire la pauvreté, améliorer la sécurité alimentaire et promouvoir une croissance durable et inclusive en Afrique. En effet, les investissements dans l’agriculture sont deux à trois fois plus efficaces pour réduire la pauvreté que les investissements dans tout autre secteur.

Il est impératif de soutenir les petits producteurs et productrices agricoles. Pour ce faire, l’une des priorités est d’assurer que ces derniers aient accès aux ressources nécessaires pour prospérer. Cela comprend l’accès à des financements, à des technologies modernes et à des formations sur les meilleures pratiques agricoles. La transformation des économies rurales et des systèmes alimentaires est possible si nous investissons pour augmenter la production agro-sylvo-pastorale, créer des emplois en milieu rural, améliorer les pratiques alimentaires et faciliter l’accès aux marchés.

Une agriculture orientée vers les marchés permettra aux petits exploitants de vendre leurs produits à des prix compétitifs, augmentant ainsi leurs revenus et leur capacité à acheter des aliments. Au Bénin, le Projet d’appui au développement agricole et à l’accès au marché, soutenu par le FIDA, a considérablement amélioré la vie de plus de 41 000 petits producteurs et productrices agricoles en les intégrant dans des chaînes de valeur rentables pour le maïs, le manioc et le riz. Cela a non seulement amélioré la disponibilité alimentaire locale, mais a également contribué à stabiliser les prix des denrées alimentaires, rendant les produits plus accessibles aux populations.

L’inclusion de l’agriculture dans les systèmes de marché est donc essentielle pour réduire la pauvreté. Au FIDA, nous cherchons à établir des partenariats avec des entreprises privées et des coopératives, fournissant ainsi un accès direct aux marchés. Cela permet aux agriculteurs de vendre leurs produits à des prix justes et stables et d’augmenter leurs revenus.
Au Nigéria, une initiative telle que le Forum de l’Alliance des produits de base (CAF) a eu un impact positif sur les revenus des agriculteurs. Développé dans le cadre du Programme de développement des filières et soutenu par le FIDA, le CAF sert de plateforme inclusive de collaboration avec le secteur privé et met en lien les petits producteurs et productrices agricoles avec des marchés sélectionnés. Plus de 113 000 agriculteurs et agricultrices y participent. Ce Forum leur permet de s’engager à la fois dans une concertation sur les politiques avec les pouvoirs publics et dans des transactions commerciales avec le secteur privé. Cela a permis de mobiliser plus de 31,6 millions de dollars de financement du secteur privé ayant bénéficié à plus de 50 000 agriculteurs et agricultrices grâce à des mécanismes innovants d’inclusion financière.
Dans le biotope des systèmes alimentaires, la technologie a également un rôle capital à jouer dans l’amélioration de la productivité agricole. Par exemple, avec les drones, il est plus facile de surveiller l’évolution des exploitations et d’identifier les attaques ou maladies subies par les plantes. L’intelligence artificielle peut aider à transformer l’agriculture africaine en permettant l’analyse des données météorologiques pour conseiller agriculteurs et agricultrices sur le meilleur moment pour planter ou récolter dans un contexte de rapides bouleversements climatiques. En fournissant des outils de prédiction météorologique, des systèmes de gestion des cultures et des solutions de financement basées sur l’analyse d’immenses systèmes de données, l’IA peut aider à surmonter certains des défis auxquels les petits producteurs et productrices agricoles sont confrontés.
Des applications mobiles comme MLouma, soutenues par le projet Agrijeunes au Sénégal, offrent aux producteurs des informations sur le climat, des conseils agricoles et des données commerciales locales. Elles aident à améliorer l’utilisation des ressources et à réduire les pertes. Les technologies de traçabilité peuvent aussi améliorer la gestion de la chaîne d’approvisionnement, mais leur déploiement doit être soutenu par des politiques gouvernementales favorables.

La vulnérabilité de l’agriculture aux changements climatiques extrêmes, tels que la sécheresse et les inondations, constitue autant de défis à relever pour assurer la sécurité alimentaire. Il est important pour les États et tous les acteurs des systèmes alimentaires de promouvoir des pratiques agricoles durables et l’utilisation de technologies adaptées. Par exemple, le Projet d’amélioration des moyens de subsistance des entreprises familiales dans le delta du Niger (LIFE-ND), soutenu par le FIDA, renforce la résilience des agriculteurs et agricultrices aux changements climatiques grâce à des technologies climato-compatibles, des solutions numériques et des variétés de cultures améliorées. En partenariat avec l’agence météorologique du Nigéria, les projets ont introduit des stations météorologiques fournissant aux agriculteurs des données climatiques en temps réel et des services d’alerte précoce. En décembre 2024, plus de 100 000 agriculteurs et agricultrices avaient été formés et connectés aux alertes météorologiques, avec une utilisation croissante des réseaux sociaux pour partager les prévisions. LIFE-ND a également distribué des variétés de cultures à haut rendement et résistantes aux changements climatiques, notamment du manioc amélioré, du cacao, du palmier à huile et du riz résistant aux inondations, renforçant ainsi la sécurité alimentaire et les moyens d’existence des communautés rurales. Ces initiatives ont permis de sécuriser les moyens d’existence des agriculteurs et agricultrices et de protéger l’environnement.

Afin que l’agriculture africaine soit inclusive et résiliente, il est essentiel de renforcer et de développer une collaboration plus inclusive entre les différents acteurs des systèmes alimentaires au profit des petits producteurs et productrices agricoles. Cela passe par l’implication du secteur privé dans les approches de financement des systèmes alimentaires, par la promotion de l’innovation technologique et par la mise en place de systèmes de protection sociale pour les petits exploitants. En intégrant l’IA dans ces efforts, nous pouvons créer un environnement où les petits producteurs et productrices agricoles prospèrent, contribuant ainsi à une sécurité alimentaire durable et à la réduction de la pauvreté.

L’action du FIDA illustre comment des initiatives ciblées peuvent catalyser un changement significatif. Avec une population sans cesse croissante sur le continent, il est impératif d’améliorer les modes de financement des systèmes alimentaires en Afrique. En investissant dans les petits producteurs et productrices des zones rurales et en soutenant des pratiques durables, nous pouvons bâtir un avenir où l’Afrique peut se nourrir et nourrir le monde, un avenir où la sécurité alimentaire sera solidement fondée sur la souveraineté alimentaire. ●

Lire le numéro 7 de la revue Afrive
Business & Climat : L’Afrique à l’heure des solutions rentables

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