À l’heure où les crises climatiques s’accélèrent et frappent durement les territoires les plus vulnérables, l’adaptation ne peut plus être reléguée à une stratégie de repli. Elle est, au contraire, une clé de voûte pour construire des sociétés plus résilientes, plus inclusives et plus durables.
C’est cette conviction qui a guidé la tenue du Sommet Europe–Afrique « Adaptation : passer à l’action », organisé à Marseille les 31 mars et 1er avril 2025. Un sommet inédit, placé sous le signe de la coopération entre les deux continents, qui a permis de faire émerger un message commun, incarné dans la Déclaration de Marseille : adapter nos territoires, c’est choisir la solidarité active, la justice territoriale et l’innovation partagée.
Construite collectivement, la Déclaration de Marseille est aujourd’hui la première feuille de route précise jamais élaborée pour renforcer cette collaboration. Elle insiste notamment sur :
- Les coopérations scientifiques
- Les mobilisations financières et la facilité d’accès aux outils dédiés
- Le rôle-clé de l’action territoriale, et des formes d’habitat
- L’importance des acteurs économiques et leur mise en réseau
- Les solutions maniant atténuation et adaptation comme les solutions fondées sur la nature.
Cette déclaration, signée par plus de 70 réseaux de collectivités, ONG, entreprises, acteurs de la société civile, organisations africaines et européennes, particulièrement représentative des réflexions menées par les acteurs non étatiques, souligne des priorités concrètes nourries des expériences de terrain.
Elle se veut aussi une contribution précise à l’élaboration de la prochaine stratégie européenne sur l’adaptation, qui doit être adoptée en 2026 et comprendra un volet sur la coopération et la solidarité internationale.
Cette tribune témoigne d’une dynamique collective et appelle les acteurs de l’adaptation – collectivités territoriales, bailleurs, entreprises, ONG, réseaux, chercheurs – à s’engager pleinement. Elle insiste sur trois idées fortes :
FAIRE DE L’ADAPTATION UN MOTEUR DE JUSTICE TERRITORIALE
Le changement climatique est un révélateur d’inégalités, frappant plus fort celles et ceux qui ont le moins contribué au dérèglement climatique et qui disposent de peu de moyens pour s’en protéger. Or, l’adaptation peut et doit devenir un levier de justice sociale dans les territoires.
C’est l’un des enseignements majeurs du Sommet de Marseille : la réponse à l’urgence climatique ne peut être efficace que si elle est aussi équitable.
La Déclaration de Marseille appelle à reconnaître les territoires africains – zones rurales sahéliennes, villes aux littoraux vulnérables, quartiers informels , etc. – comme des espaces prioritaires pour les investissements climatiques. Elle souligne aussi la nécessité de renforcer l’autonomie d’action des autorités locales, en leur confiant un rôle central dans l’identification des besoins, la mise en œuvre des solutions et l’évaluation des impacts.
Mais la justice territoriale ne se limite pas à une question géographique : elle est aussi sociale et générationnelle. Il est indispensable d’intégrer les femmes, les jeunes, les populations autochtones et les communautés locales dans la gouvernance de l’adaptation. Leur savoir-faire, leur capacité d’innovation et leur lien étroit avec les écosystèmes sont des atouts majeurs.
CONCEVOIR L’ADAPTATION COMME UN INVESTISSEMENT STRUCTURANT
L’adaptation ne doit plus être perçue comme un coût ou une contrainte, mais comme un investissement stratégique pour l’avenir. Elle génère des co-bénéfices économiques, sociaux et environnementaux.
Le Sommet de Marseille a permis de faire émerger de nombreux exemples de projets territoriaux à fort impact. Ce sont ces solutions, souvent simples, sobres, ancrées dans le territoire, qu’il faut massifier. Cela suppose une transformation profonde de notre façon de financer l’adaptation. Les porteurs de projets, notamment en Afrique, se heurtent encore à un accès trop complexe et inégal aux financements climatiques. Le temps est venu de créer des mécanismes spécifiques de financement de l’adaptation locale.
La Déclaration de Marseille appelle à l’émergence de nouveaux outils : fonds d’investissement mixtes euro-africains dédiés à l’adaptation territoriale, garanties publiques pour sécuriser les projets des collectivités, systèmes de mesure d’impact qui valorisent les co-bénéfices sociaux et environnementaux.
Chaque acteur – collectivité, ONG, État, bailleur, entreprise – doit s’engager à intégrer systématiquement les communautés locales dans les politiques d’adaptation, à flécher les financements vers les zones vulnérables, et à bâtir des politiques sensibles au genre et à l’inclusion.
FAIRE ÉMERGER UNE COMMUNAUTÉ D’ACTION EURO-AFRICAINE POUR L’ADAPTATION
L’un des apports majeurs du Sommet de Marseille est d’avoir réuni, pour la première fois à cette échelle – 1 500 participants – des collectivités territoriales, ONG, experts, chercheurs, entreprises et réseaux des deux continents autour d’un agenda commun : faire de l’adaptation un projet partagé, un espace de coopération, un chantier collectif de transformation.
L’Afrique et l’Europe, bien qu’inégalement exposées, sont toutes deux confrontées à des défis d’adaptation profonds. Elles ont tout à gagner à partager leurs solutions, à mutualiser leurs innovations, à se former mutuellement. Marseille a montré qu’une telle communauté d’action est non seulement possible, mais déjà engagée.
Nous devons maintenant structurer cette dynamique.
L’organisation de rencontres annuelles en Europe et en Afrique sur l’adaptation locale, à l’image des Sommets Climate Chance, participe à cette dynamique, fédérant les acteurs des deux continents. C’est en misant sur des coopérations décentralisées, sur la puissance des territoires, que nous ferons émerger un véritable « pacte climat » entre l’Europe et l’Afrique, dans un esprit d’ouverture et de réciprocité.
UNE NOUVELLE TRAJECTOIRE, UN ENGAGEMENT PARTAGÉ
La Déclaration de Marseille est un appel. Elle n’est ni un aboutissement, ni une proclamation de principe : elle est une invitation à agir ensemble, à changer d’échelle, à changer de récit.
L’adaptation ne se limite pas à protéger. Elle peut aussi réparer, régénérer, relier. C’est une boussole pour construire l’avenir, à condition qu’elle soit portée par une solidarité active, par une vision partagée entre les continents, et par une volonté politique affirmée.
C’est ainsi que nous transformerons l’adaptation d’un impératif en opportunité.
C’est dans cet esprit que nous appelons à porter haut et fort la Déclaration de Marseille dans tous les grands rendez-vous nationaux et internationaux à venir. Elle constitue une base politique claire, ambitieuse et opérationnelle pour une coopération Europe–Afrique renouvelée sur l’adaptation.
À l’approche de la COP30 à Belém, qui sera une étape cruciale pour l’agenda mondial de l’adaptation et de la justice climatique, il est impératif que cette parole des territoires, cette vision partagée entre acteurs africains et européens, soit entendue et relayée.
La Déclaration de Marseille n’est pas seulement un texte, c’est un plaidoyer collectif que nous devons porter ensemble pour qu’il pèse sur les décisions internationales. C’est ainsi que Marseille ne restera pas un moment, mais deviendra un mouvement.
Dans un contexte marqué par une forte contraction de l’aide publique au développement, il était essentiel que les acteurs engagés sur le climat prennent la parole pour rappeler l’urgence des enjeux et l’ampleur des défis à venir. Dans un monde sous tension, nous affirmons que seules des coopérations renforcées et des solidarités actives permettront de prévenir l’escalade des crises et des conflits.
En nous dirigeant vers une augmentation des températures à l’échelle planétaire de +3° dans la seconde moitié du XXIe siècle, soutenir l’Afrique dans ses efforts d’adaptation, en répondant à ses appels face à un dérèglement climatique qu’elle n’a que très peu provoqué, constitue un impératif de justice et un devoir de solidarité. L’Europe ne peut se soustraire à cette responsabilité. ●
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