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Comment concilier développement économique et respect de l’environnement en Afrique ?

Ingénieur diplômé du Conservatoire des Arts et Métiers, Fabrice Bonnifet est un acteur clé dans le domaine du développement durable. Il coordonne la démarche développement durable au sein du groupe Bouygues. Parallèlement à ses fonctions au sein du Groupe Bouygues, il préside le Collège des directeurs du développement durable (C3D) et est administrateur du Shift Project. Fabrice Bonnifet est également co-auteur, avec Céline Puff Ardichvili, du livre "L’Entreprise Contributive. Concilier monde des affaires et limites planétaires" publié aux Éditions Dunod. Il enseigne à l’Université de Paris Dauphine dans le Master Développement durable & Organisations, à l’ENSAM et l’ESTP dans le Mastère spécialisé Habitat & Construction durables. NDLR

by AfriVe

C’est la question la plus pertinente qui soit ! et la réponse risque de vous surprendre. Si l’Afrique par mimétisme entend se développer avec les mêmes modèles que ceux des pays à haut revenus d’aujourd’hui, et bien l’échec est assuré. L’avènement de la civilisation thermo industrielle et les énergies fossiles abondantes et bon marché ont conduit les occidentaux à adopter des modes de vie insoutenables, à l’horizon désormais de quelques années, au regard de la biocapacité du système Terre. Malgré les alertes des scientifiques dès les années 50, la folie consumériste et les délires de certains décideurs ont fait émerger des modèles de sociétés, d’urbanisme et de surconsommation qui ont contribué au dépassement de 6 des 9 limites planétaires. Laisser croire que la planète dispose encore de suffisamment de ressources et de résilience de ses services écosystémiques pour que les pays Africains suivent la même trajectoire est une utopie totale.

A partir de là, l’Afrique peut demander justice et que les pays qui ont profité de la manne des énergies fossiles pendant des décennies acceptent de contribuer financièrement à son développement. C’est d’ailleurs tout l’enjeu des négociations des COP avec le résultat pitoyable que l’on connait pour le moment. Les émissions de GES (Gaz à effet de serre) cumulées les pays du nord ont très majoritairement contribué au réchauffement climatique, mais les pays africains sont les premiers à en subir les terribles conséquences. Si les occidentaux étaient lucides et pragmatiques, ils accepteraient de réduire drastiquement leur empreinte carbone et ressources afin que l’Afrique puisse disposer du budget carbone restant de l’humanité pour rester sous les 2°C (moins de 300 Gt eq C02). En effet, pour satisfaire à ces immenses besoins, l’Afrique ne pourra pas compter sur des technologies totalement décarbonées, c’est faux archi faux.

Diminuer de 5 à 7 % par an les émissions de GES en absolu requiert un changement radical dans la façon de produire et de consommer et nécessite d’accepter de renoncer à nombre de pratiques écocides. C’est en montrant l’exemple de la sobriété choisie et du discernement dans l’usage des technologies que l’occident pourrait apparaître comme crédible aux yeux du reste du monde. Qui peut croire que cette sagesse adviendra avant qu’il ne soit trop tard, car le temps presse ? Car oui l’Afrique a besoin de développer des infrastructures de base pour faciliter la vie quotidienne de sa jeune population. Elle a besoin de produire des énergies renouvelables, de construire des stations d’épuration, des systèmes de transports en commun, des usines de production d’eau potable, des logements adaptés et enfin développer une agriculture diversifiée sans chimie. Les empêcher d’accéder à un minimum de confort matériel en ne transférant pas la part de carbone qu’il reste à émettre à l’Afrique, c’est le summum de l’indignité humaine.

Hélas, par égoïsme et cupidité on peut craindre que les pays qui ont le plus pollué ne consentent pas à se sortir de leur tutelle aux énergies fossiles, car ces dernières contribuent encore à maintenir l’illusion de la croissance infinie, alors que la planète est finie en ressources. Cette inconséquence dans le raisonnement qui s’appuie sur le fantasme du techno-solutionnisme pour réduire de 90% l’empreinte carbone de l’humanité d’ici 2050 est une imposture majeure. Cet aveuglement risque de conduire dans les années à venir des millions d’Africains à vivre dans des conditions de plus en plus invivables. Cela entrainera des vagues d’émigrations qui vont causer des troubles géo politiques sans précédents. Réveillons nous, aidons l’Afrique à se développer avec le meilleur de nos technologies bas carbone, en apprenant de leur culture sans chercher à leur imposer la notre.

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