L’annonce a été faite le samedi 21 juin par Abubakar Kyari, ministre de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire. Ce financement exceptionnel vise à recapitaliser la Banque de l’agriculture afin de faciliter l’accès des producteurs aux crédits agricoles et aux services financiers essentiels. L’agriculture représente près de 25 % du PIB du Nigeria, mais demeure largement sous-financée. En dépit d’initiatives comme le programme Anchor Borrowers lancé en 2015 sous le président Buhari, le secteur ne capte encore que moins de 5 % du portefeuille global de prêts bancaires. Une situation qui limite considérablement la capacité des agriculteurs à investir dans des moyens de production modernes.
La recapitalisation de la BoA ne constitue qu’un volet du plan global du gouvernement. Le ministre Kyari a également annoncé une enveloppe supplémentaire de 200 milliards de nairas destinée à renforcer la sécurité alimentaire et les capacités des producteurs sur le territoire national.
Ce soutien survient alors que le Nigeria fait face à une crise alimentaire majeure. Selon les Nations unies, plus de 30 millions de Nigérians sont actuellement en situation d’insécurité alimentaire aiguë, soit le chiffre le plus élevé à l’échelle mondiale. Une situation exacerbée par l’insécurité dans le nord du pays, qui empêche l’exploitation de vastes étendues de terres arables et entrave la circulation des denrées vers les grands centres urbains du sud.
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Ces annonces s’inscrivent dans un contexte de réorientation stratégique des priorités budgétaires du gouvernement. Pour l’année fiscale 2025, les autorités ont alloué 2,23 trillions de nairas (1,4 milliard $) au secteur agricole, soit une hausse spectaculaire de 123 % par rapport à 2024 (996 milliards de nairas), et plus de cinq fois le budget de 2023 (344,6 milliards de nairas).
Malgré cette progression notable, le Nigeria reste encore en deçà des engagements pris lors de la Déclaration de Malabo, qui recommande que 10 % des dépenses publiques soient consacrés à l’agriculture. Le pays n’en consacre actuellement que 4,1 %. Néanmoins, cette augmentation budgétaire est perçue comme un signal fort de l’engagement politique pour endiguer la crise alimentaire et poser les bases d’une transformation structurelle du secteur.
La sécurité reste l’un des obstacles majeurs au développement agricole. Selon le Service national de vulgarisation agricole et de liaison pour la recherche (NAERLS), près de 2,1 millions d’hectares de terres arables sont aujourd’hui inaccessibles à l’exploitation agricole dans le nord du pays. Cette superficie, répartie principalement dans des États comme Borno, Niger, Kaduna ou encore Katsina, est minée par les activités des groupes armés.
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Ce climat d’insécurité, en plus de limiter la production, engendre une hausse généralisée des prix alimentaires, frappant de plein fouet les ménages nigérians, dont 50 % des revenus sont consacrés à l’alimentation.
Le soutien massif apporté à la Banque de l’agriculture, couplé à une stratégie budgétaire ambitieuse, pourrait marquer un tournant décisif pour l’agriculture nigériane. Reste à voir si les fonds seront efficacement déployés, dans un pays où les enjeux de gouvernance, de transparence et de coordination entre institutions sont souvent pointés du doigt.
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